Les pieds dans l’eau


Nous vous avons laissés à San Gil, le 26 juillet, alors que nous sommes sur le point de partir pour Medellin. Notre bus est à 20h et part du terminal de bus qui se trouve à 6 km environ. Nous sommes, avec un couple d’allemand de notre hostel, 4 à prendre le même bus. Du coup, on envisage de partager un taxi – ce qui n’est pas nécessairement évident vu la taille du taxi de base en Colombie – c’est tout piti, il y a bien 4 places (en se serrant), mais pour 2 belges, 2 allemands et leurs gros sacs, ça va être difficile...


Vers 18h, on va manger, de notre côté, le pire hamburger de notre vie : pain super sucré, viande pas bonne, autres trucs pas bon...Bref, alors qu’on s’apprête à faire 14 heures de bus, on laisse les 3/4 et on se retrouve le ventre quasi vide et...dégoûtés pour un bon moment des hamburgers… (on vous rassure, maintenant on est guéris;-))


L’autre constat de cette escapade gourmande à un demi bloc de notre hostel, c’est qu’il pleut, et pas qu’un peu ! D’habitude, ça ne dure pas trop longtemps, mais quand même, la question se pose : on y va direct (il est 18h30, et normalement on est à 15 minutes du terminal en voiture, c’est quand même un peu tôt pour un bus à 20h, non ?) et on laisse là les Allemands ou on attend quand même ?


Vers 19h, on coupe la poire en deux, la pluie ne se calme pas et il commence à y avoir des bouchons en ville. Les boches ne sont pas dans le coin mais on demande à la madame de l’accueil de l’hostel de nous appeler un taxi. Malheureusement, la pluie aidant, il y a très peu de taxi qui roulent et impossible de joindre aucune compagnie de taxi. Elle nous dit d’attendre un peu, qu’on est bien à temps, que la pluie va se calmer, qu’un accord de paix va intervenir entre Israel et la Palestine et que les USA s’engagent dans la voie du 100 % bio et écolo. Ben, 20 minutes plus tard, il n’y a toujours pas de taxi et toujours beaucoup de pluie...de là à penser qu’elle nous a menti sur les autres points, il n’y a qu’un pas. En plus, les Allemands sont revenus. On n’a quand même pas envie de rater notre bus et on décide d’aller dehors histoire de trouver un taxi dans la rue…


Nous voilà donc, tous les 4, avec nos gros sacs et nos capes de pluie, sous une pluie torrentielle, à airer de rues en ruelles, de rues inondées à rue bouchonnées. Pour vous donner une idée, on ne peut pas traverser certaines rues à cause de la pluie qui les transforme en torrent.


Va-t-on trouver notre bonheur (un taxi suffirait) ? Ben non hein, pas de taxi, on vous l’a déjà dit ! Les gens nous disent que c’est peine perdue... mais on le veut, notre bus pour Medellin ! Le temps commence à presser et on commence donc à marcher vers le terminal, on essaye d’éviter les plus grosses flaques (les gouttes, c’est un peu difficile) et, après un bon 30 minutes, on trouve un bus bondé qui veut quand même bien nous emmener et dans lequel on parvient à s’entasser, non sans mettre nos sacs mouillés dans la figure des autres passagers qui n’avaient rien demander, les pauvres.


Nous arrivons donc trempés jusqu’aux os à 19h55 au terminal, où on nous annonce (ok sans trop grande surprise) que le bus n’est pas encore là. On a donc le temps de se changer un peu (mettre nos sandales chaussettes par exemple, parce que 14h dans un bus climatisé avez les pieds mouillés, ça va pas le faire, et puis aussi parce que si on veut faire copain-copain avec les Allemands, il faut bien s’adapter…).


Le bus arrivera vers 20h30, pas encore trop en retard, donc. Un bus bien bien climatisé comme il faut. Un bus bien vieux aussi. Normalement, nous avons 3h de route vers Bucaramanga où nous devons avoir une correspondance pour Medellin. Mais, la pluie, les torrents, et les bouchons font qu’on mettra plus de 3h pour...sortir de la ville : la route principale bloquée, on doit retourner par la ville et ses rues étroites et inondées. Autant dire que ce n’est pas le passage idéal pour un bus de ligne. Les rues étroites et pentues nous forcent même à faire marche arrière… Clara préfère ne pas regarder dehors.


Aujourd’hui, on raconte ça sur un ton humoristique mais un petit garçon est décédé cette nuit là à cause des inondations et il y a eu énormément de dégâts dans la ville.

Un petit aperçu:

http://www.eltiempo.com/colombia/otras-ciudades/video-de-inundaciones-en-san-gil-2018-248634


Nous avons évidemment raté notre correspondance à Bucaramaga. Heureusement, on a pu aller dans le bus suivant (ou sursuivant), après un petit débat sur les numéros de sièges, les nôtres initiaux étant bien entendu pris… Nous sommes donc arrivés à Medellin vers 11h à la place de 8h, complètement crevés


Plus le courage de s’amuser à découvrir comment fonctionne le métro : on prend directement un taxi pour Poblado, le quartier touristique où se situe notre Airbnb. Les taxis sont assez faciles et sans danger à Medellin, il y a un taximètre qui fonctionne bien. On arrive, on dit bonjour à notre hôte italien et on s’écroule dans notre lit déjà prêt (ça, c’est quand même cool quand on prend un bus de nuit : pouvoir se mettre au lit dès qu’on arrive ! )

Vers 15h, on ira dîner dans un bon restaurant italien pas loin (le Romero) et se balader (un peu) dans la quartier.

La comuna 13

Première visite à Medellin : on commence tranquillement notre exploration de la ville avec un free walking tour de la comuna 13. La ville est en effet divisée en plusieurs « comuna ». Dans la 13, on peut voir beaucoup de graffitis (murales) et un escalator en 6 parties qui permet de rejoindre les zones les plus hautes de la ville (on vous a dit que Medellin était dans les collines ?).

Mais la comuna 13, c’était aussi dans les années 90, le quartier le plus dangereux de la ville qui était l’une des plus dangereuses du monde. En gros, il n’y avait que des groupes armés pour se promener dans le coin. Les autres devaient rester cacher chez eux… Il n’était pas rare de voir des cadavres dans la rue. Les ambulances, la morgue et les policiers n’osaient pas s’y aventurer. Pourquoi ce quartier ? C’est qu’il était bien placer pour le trafic de drogue et d’armes vers le Panama.


Deux opérations ont marqués la comuna. L’opération Mariscal et l’opération Orion.

La première, l’opération Mariscal, se passe le 29 mai 2002. Sous prétexte de pacifier la zone, 900 militaires envahissent le quartier et ouvrent le feu sur tout ce qui bouge : 9 civils morts (dont quatre enfants), 37 blessés et 50 détentions arbitraires. L’attaque ne dure que quelques heures : la population, sortie avec des drapeaux blancs et, simultanément, la présence de la presse et d’organisations de défense des droits de l’Homme exercent une telle pression que l’armée doit stopper son intervention.


La 2ème opération, l’Orion, se passe du 16 au 20 octobre, avec 3000 militaires qui investissent les lieux en mode guerrier. Les milices se replient après les premières heures mais ça ne suffit pas à stopper les militaires qui continuent à tirer via des hélicoptères, sur les toits des habitations. L’opération a duré 5 jours. Le bilan officiel est de 355 détentions arbitraires, 39 civils blessés, 7 disparus et 3 policiers tués.


Pendant ces 4 jours, personnes n’était autorisé à entrer ou sortir de la comuna. C’est aussi à ce moment là qu’on a remarqué de très nombreuse disparitions… On sait que « La Escombrera », une colline en face, a servi de fosse commune. En 2009, un accord a été signé pour exhumer les corps, cependant les travaux ont vite été arrêté pour une question de coût et d’incertitude. Les familles attendent toujours que la vérité sorte. On parle de 300 victimes.


C’est aussi en faisant ce tour qu’on s’est rendu compte que les tours en anglais, c’était vachement mieux. On a essayé en espagnol, mais c’est moins drôle et ici, la guide ne faisait aucun effort pour rendre son texte, lu rapidement, un minimum intéressant. On a pu voir que les tours en anglais étaient un peu plus dynamiques.


On respire un peu

Pour nous remettre de nos émotions, nous irons, le lendemain nous promener dans une forêt avec un autre locataire de notre Airbnb. Un américain de 70 ans, Eric. Pour nous y rendre, nous prenons le métro et le métro câble : ceux-ci désservent quasiment toute la ville.


Il faut dire que le métro et le métro-câble de Medellin sont au top (dans les meilleurs servis de transport en commun qu’on ait vu!). Ils sont efficace, sur et propre (genre vraiment propre). Un trajet coûte 2000 pesos (env 0,6€), pour aller quasi n’importe où.

On arrive ainsi dans un très grand parc (forêt) à l’est de la ville. En haut du téléphérique, on nous propose des promenades guidées et pleins d’activités. Nous, on veut juste prendre un bol d’air, du coup on se renseigne et oui il y a moyen d’aller se promener seuls. Il nous faudra un peu de temps pour trouver l’entrée des chemins sans barrières mais grâce à Viewranger c’est assez facile. On se baladera 3 petites heures dans la foret où règne un calme apaisant après la trépidante Medellin.

Sur le retour, on ira se promener au jardin Botanique, mais on n’avait pas prévu que c’était dimanche… du coup le parc est bondé ! Les gens viennent ici pour se détendre, fêter des anniversaires (beaucoup!), des naissances, des mariages, etc.

Par contre, on perdra Eric dans le métro sur le retour...on n’a toujours pas compris pourquoi il est sorti 3 stations trop tôt. Il nous dira le soir que lui non plus !

En manque d’activités culturelles bobos, nous allons, le soir, voir un film d’auteur dans une petite salle de Pobleda (« El dia de la cabra ») assez chouette. C’est une histoire de réparation de voiture et de chèvre renversée (et morte).


Le Free Walking Tour

Nous reprenons la découverte de la ville le 30 juillet en allant faire le free walking tour du centre ville. Il durera 4h mais c’est, jusqu’à présent, le meilleur tour qu’on ait eu ! Notre guide « Pablo » (à Medellin, ça ne s’invente pas), nous racontera l’histoire de la ville, sa chute et sa renaissance… Évidemment, beaucoup de touristes viennent à Medellin pour les histoires sur Pablo Escobar, considéré un peu comme une star de la pop culture depuis la sortir de la série Narcos. Cela pose quand même des problèmes à pas mal d’habitants car on voit fleurir des boutiques avec des t-shirts, tasses et autres babioles à l’effigie de l’homme qui a fait assassiner plusieurs milliers personnes.


Peu de familles s’en sont sorties sans morts liées au cartel de Medellin. Cela dit, certains l’aiment encore, aveuglés par le fait qu’il a construit quelques 300 maisons dans un quartier pauvre. Il y a aussi ceux qui ont fondé leurs revenus sur le tourisme d’Escobar : on trouve des tours Escobar, il a même un musée tenu par son frère, vous pourrez y voir (apparemment, nous on n’y est pas allé) pour une sommes exorbitante, des voitures criblées de balles, des scooters des jeunes sicarios (tueurs à gage, ici des jeunes de la cité recrutés comme exécutants par le cartel) et même prendre une photo avec le frère (contre quelques billets bien entendu).


Pour vous donnez une idée, en 1992, à Medellín, 6.662 personnes ont été tuées, il y a 1 292 cadavres non identifiés et 967 habitants sont portés disparus, soit un total de 8 921 morts, principalement dus aux cartels de la drogue.


Aujourd’hui encore, la Colombie est loin d’en avoir fini avec la cocaïne. Pour se défendre, l’état envoie des drones pulvériser du glyphosate sur les cultures de coca… Mais ça n’arrange pas vraiment les choses :

- le poison ne tue pas la plante mais arrête sa croissance ;

- le poison pourrit le sol ;

- le cultivateur n’a pas le choix de cultivé ou non de la coca (soit il le fait soit il prend une balle dans la tête et un autre devra prendre sa place) ;

- le cultivateur perd sa culture et dévalorise sa terre (c’est encore lui qui y perd) ;

- les narcos trafiquant trouvent toujours de l’espace, eux, et ne sont pas arrêtés.

Pour détendre l’atmosphère, Pierre ira en fin de journée à l’hôpital pour vérifier qu’il est totalement guéri. Pour rappel, on ne lui avait donné des antibiotiques que pour 7 jours et vu que certains médecins étaient d’avis qu’il en fallait au moins 15 il valait mieux être sûrs avant de s’envoler vers des destinations plus exotiques. Et après une analyse d’urine, une échographie, et une consultation générale, Pierre est déclaré bon pour le service (tout compris, sans assurance, dans un hôpital du quartier le plus riche de la ville, ça lui aura coûté 60 euros…).


Le mémorial

Le lendemain, pour avoir un aperçu plus aérien de la ville, on ira faire un tour en métro-câble. C’est une bonne manière de passer au-dessus de plusieurs quartiers dans lesquels il est déconseillé de se balader en tant que touriste. Par contre, le métro, lui, est sûr, surtout dans une nacelle de 6 à 15 mètres du sol;) . C’est plus facile, et puis c’est joli de voir la ville d’une autre point de vue.

On ira ensuite au Museo Casa de la Memoria, un « musée-mémorial » qui, bien fait, permet de se rendre compte de l’impact que les conflits politiques et les narco-trafiquants ont eu sur la ville et (surtout) sa population.

L’excursion à Guatape


Bon, c’est pas que c’est un peu pesant tout ça mais, si on retournait dans la nature ?

Le 1er août, on quitte donc Medellin pour un tour à Guatape. C’est un tour en van, pour aller voir un gros rocher entouré d’un lac. Départ vers 9h30 et petit déjeuner sur la route à Santa Elena avec, au menu, pain (genre du vrai pain !), du nutella !! (oui, je sais, ça fait pas trop écolo bobo mais on n’a que le bien qu’on se donne:-)), des fruits, des omelettes (différents types : épinards, tomates, champignons,…) et du thé, café, chocolat… Que demander de plus ? Ben, plus de choco pardi !!

Après ce copieux petit déjeuner, on repart avec notre van d’une quinzaine de personnes pour un arrêt à Penol nouveau (parce que le vieux Penol, il est sous l’eau suite à la construction du barrage qui soutient le lac). Après, c’est pas parce que le village n’est pas sous eau qu’il y a beaucoup plus à voir. Allez, il y a une église-grotte sympa.

On ne s’attarde pas trop et on reprend notre route en direction d’un pont surplombant une branche du lac. C’est un pont à sauter (dans l’eau). On a donc droit à notre pause digestive/natation/bronzette au soleil/petite bière prévue par l’organisation et motta pour ceux qui veulent. Bien sympa ! Heureusement que le soleil est de la partie.

C’est pas tout ça, mais on est quand même là pour voir Guatape. Pas le temps de trop traîner et il nous faut bien nous remettre en route vers le caillou. Et c’est grand, et c’est haut, et ils ont même fait un escalier pour monter dessus. Du coup, pas question de juste regarder d’en bas : va falloir y grimper, dîdju, sur ce gros rocher (Piedra del Peñol). 650 marches (un peu plus haut que Bueren quand même;)). Décidément une journée bien sportive. En haut, on aura droit à une belle vue (sans la kriek, mais avec un peu de sangria apportée par l’un des participants qui fêtaient son anniversaire, on s’en contentera ;-)).

La ville de Guatape, elle est très colorée...et très touristique. Mais vale la pena comme on dit là-bas. Pierre hésitera à s’offrir un chapeau en vrai cuir dans une boutique, mais la raison et le fait de devoir le transporter partout l’emporteront sur la sympathie du vendeur.

Et voilà, le moment est venu (non, toujours pas de kriek en vue!) de retourner dans notre van karaoké (c’est ce qui arrive quand on met les Gun’s, AC/DC et Queen dans un van) et de rentrer sur Medellin, non sans réaliser une pause almuerzo/cena très très bonne.. bien qu’un peu piquante.

A table !

Aujourd’hui, Medellin a bien changé depuis ces périodes plus sombres évoquées plus haut, c’est aussi une ville internationale dans laquelle on peut bien manger !

On commencera donc notre visite gastronomique de la ville dans un restaurant français : « Voilà Vino  ». Du vin, du magret de canard et du gratin dauphinois, il y a moyen non ? Ben il y avait moyen mais c’était moyen quand même (tout en étant loin d’être mauvais hein, ça nous change quand même bien de la nourriture colombienne habituelle !). Par contre avoir les patrons et serveurs français qui font les français en s’engueulant, jurant et râlant à tour de bras, on s’en serait bien passé...


Le lendemain, notre mission de la journée était de vérifier les renseignements pour notre vol du 3 août (pour la destination plus exotique évoquée plus haut). On ne sait pas si vous vous rappeler, fidèles lecteurs, mais on a eu notre lot de problèmes avec les derniers avions...Or, le truc qui tique, ici, c’est qu’on n’a pas d’infos sur les bagages autorisés...ni sur leur poids. En route pour le petit aéroport local pour demander...et constater qu’on a bien fait de s’inquiéter car on y apprendra que c’est un tout piti piti navion et qu’on ne peut avoir que 10 kg de bagages (et nos sacs sont un peu plus lourds que ça).

Du coup, la deuxième mission de la journée est devenue de trouver un hébergement pour nos bagages. Aussitôt dit, aussitôt fait, notre hôte AirBnB acceptant de garder une partie de nos affaires le temps de notre prochain « trip ».

Ensuite, on se promènera un peu en direction du quartier de Laureles...ce qui nous fait traverser des quartiers un peu glauques, au point qu’on finira par prendre un taxi pour terminer notre chemin.


Le soir, on se fait vraiment plaisir en allant au Barcal. C’est un très (genre vraiment très) bon restaurant. Le meilleur qu’on ait fait de nos vies ! Il nous attend avec un menu 7 services avec assortiment de vins et environ 5 serveurs aux petits soins pour nous (ça fait quand même un peu beaucoup : on n’a pas le temps de terminer notre plat/bouchée qu’on nous retire déjà l’assiette).

Comme vous le devinez, le 3 nous nous envolerons vers d’autre cieux un peu plus ensoleillés… On vous laisse deviner où ;-) (un indice...il y a une carte sur le blog ^^)